Section 2 : Enjeux et concepts clés en matière d'approvisionnement #
Saisir l’occasion #
L’approvisionnement est traditionnellement considéré comme une procédure de conformité qui implique des spécifications détaillées a priori, identifie les solutions les moins coûteuses et empêche la corruption. Or, l’approvisionnement est également un outil puissant de création de valeur stratégique.
Lorsque les administrations saisissent les occasions qu’offre l’approvisionnement, elles peuvent atteindre de manière créative les grands objectifs du secteur public, promouvoir l’innovation (à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement) et stimuler le développement économique. En bref, elles peuvent façonner la valeur publique future.1
Tous les ordres de gouvernements investissent énormément dans leurs économies locales. Des fonds importants ont été affectés à la transformation numérique, aux services techniques partagés et à la mise à niveau des systèmes informatiques au niveau fédéral.2
Selon la Banque de développement du Canada (BDC), il existe 41 800 entreprises de TI au Canada, et 90 % d’entre elles comptent 10 employés ou moins. Ensemble, ces entreprises apportent 57 milliards de dollars à l’économie canadienne.3 Toutefois, les marchés publics classiques favorisent généralement les grands fournisseurs bien établis, ce qui signifie que les petites entreprises et les entreprises en démarrage sont systématiquement exclues du processus.4 Les gouvernements peuvent mieux appuyer les collectivités technologiques nationales et locales en s’engageant auprès des fournisseurs locaux et en incluant des exigences en matière d’approvisionnement local dans leurs appels d’offres.
Créer de la valeur avec un processus d’approvisionnement #
L’approvisionnement est essentiellement un processus qui commence par l’identification d’un besoin fondamental ou d’une occasion, suivie de l’exploration et de l’obtention de solutions. Si ce processus est bien conçu, il peut générer des retombées positives (voir encadré 3.1). En utilisant des outils spécifiques tels qu’un appel d’offres, le processus d’approvisionnement peut préciser ce qui suit :
Critères du vendeur : Petits fournisseurs locaux, appartenant à des membres de minorités visibles ou à des organismes sans but lucratif.
Critères de solution : Propriété ou contrôle public, modèles de coûts équitables et durables, fonctionnalités, résultats (plutôt que de miser des solutions existantes).
Dans le cas des logiciels libres, les retombées positives pourraient être les suivantes : favoriser un écosystème local plus diversifié de fournisseurs de services technologiques,5 partager des logiciels avec des administrations comparables, et maintenir le contrôle public sur la manière dont les données sont utilisées et commercialisées.
Encadré 3.1 : Approvisionnement selon la méthode agile au sein de l’administration fédérale Les marchés publics se transforment au niveau fédéral. En 2017, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) a testé un nouveau modèle d’approvisionnement agile conjointement avec le projet pilote « Ouvert par défaut » du gouvernement du Canada.1 Le SCT a déployé un « un processus d’approvisionnement innovateur et rigoureux sous forme de défi, dans le cadre duquel des entreprises qualifiées proposaient des idées à un panel d’évaluateurs ». 2 Après les présentations, le contrat a été attribué le même jour. De plus, les soumissionnaires ont pu faire part de leurs commentaires sur le processus au personnel responsable des achats du SCT et aux évaluateurs.3
En 2022, Services partagés Canada (SSC) a lancé le processus d’approvisionnement agile 3.0 – une nouvelle approche simplifiée d’approvisionnement en TI qui met l’accent sur l’acquisition d’une petite démonstration ou d’un prototype comme stratégie d’évaluation des solutions potentielles. « Les fonctionnaires peuvent ainsi évaluer des exemples concrets des solutions proposées et choisir la solution qui offre le meilleur rapport qualité-prix au Canada et à la population canadienne ».4
Alex Benay, L’approvisionnement agile pour de meilleures solutions numériques, Blogue sur le gouvernement ouvert, le 27 juillet 2017. ↩︎
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Le gouvernement du Canada octroie un contrat de services numériques à l’aide d’une méthode simplifiée d’approvisionnement, le 14 septembre 2017. ↩︎
Michael Grant, An Open, Honest Talk About Procurement Improvements, Digital Echidna Blog, le 14 septembre 2017, ↩︎
Services partagés Canada, Services partagés Canada lance le processus d’approvisionnement agile 3.0, le 23 mars 2022. ↩︎
Gestion du processus d’approvisionnement : Le responsable de produit #
L’approvisionnement relève généralement d’un responsable de l’approvisionnement et repose sur un budget détaillé et des spécifications fonctionnelles. Ces spécifications proviennent souvent de sources diverses, comme un spécialiste en informatique et un cadre supérieur chargé des directives politiques. Les spécifications peuvent être contradictoires ou manquer de clarté. De façon plus générale, un flux d’information à sens unique (des spécialistes aux responsables de l’approvisionnement, puis aux fournisseurs) compromet les possibilités d’élaboration de solutions créatives.
Dans le cadre d’un processus d’approvisionnement numérique, il existe une figure centrale chargée d’assurer la participation de toutes les unités opérationnelles et de faire progresser l’ensemble du processus d’approvisionnement : le responsable du produit. Cette personne n’est pas nécessairement un expert technique, mais elle doit avoir une connaissance pratique des processus de développement de logiciels, de l’approvisionnement et des méthodes de conception centrées sur l’utilisateur (voir le module 2 pour obtenir de plus amples détails).
Découverte : Établir une base solide grâce à la compréhension du problème #
La phase de « découverte » est le point d’entrée de l’acquisition de logiciels. Elle comporte trois éléments principaux :
Définition du problème à résoudre, c’est-à-dire recherche sur les utilisateurs avec les bénéficiaires et les utilisateurs finaux du logiciel (au moyen de séances de conception et de planification, de séances de remue-méninges, etc.).6
Sondages et entretiens
Démonstrations
Cartographie du parcours de l’utilisateur
Accompagnements
Examen des produits qui existent déjà, approche adoptée par d’autres administrations pour aborder le même problème, consultation des référentiels Github du gouvernement, lecture des blogues et participation à des conférences.
Étude de marché et analyse du marché neutre en ce qui concerne les solutions commerciales existantes7.
Examen de l’approche adoptée par d’autres administrations pour aborder des problèmes similaires.
Consultation de l’Échange de ressources ouvertes du GC.
Rencontre des fournisseurs, des experts et des passionnés des technologies. Discussion au sujet des problèmes à résoudre, et réflexions des intervenants sur les solutions existantes ou potentielles. Approches à adopter :
Solliciter des idées de façon informelle (auprès de la collectivité des technologies).
Publier une demande de renseignements formelle (DR).
Organiser un événement lié au problème et inviter des groupes communautaires et des fournisseurs8.
Consulter le milieu universitaire.
Selon une idée fausse très répandue, les fonctionnaires ne peuvent pas contacter directement les fournisseurs potentiels. En réalité, la compréhension du marché est un point de départ crucial pour trouver la meilleure solution. Il est utile d’avoir une bonne compréhension de ce que ces entreprises peuvent faire lorsque vous envisagez de lancer une demande de services. Vous pouvez également partager les besoins de votre organisation afin qu’ils se familiarisent avec votre feuille de route à long terme pour l’intégration des logiciels dans la prestation de services publics. Des contrats répétés permettent aux fournisseurs de services de se familiariser avec votre environnement technique et vos besoins spécifiques. Afin de maintenir l’intégrité et d’éviter toute inquiétude, assurez-vous que tous les échanges avec les fournisseurs sont publics, bien documentés et accessibles à la population sous forme de synthèse.
Stratégies d’approvisionnement #
Si vous suivez un processus de découverte rigoureux, vous découvrirez un certain nombre de stratégies d’approvisionnement – achat de logiciels existants, utilisation et adaptation de logiciels libres ou contrat avec un fournisseur pour la création de nouveaux logiciels. Vous devez les comparer par l’entremise d’une analyse équitable et objective du coût réel de possession sur la durée de vie. Selon les résultats, vous serez en mesure de choisir en toute confiance la bonne stratégie d’approvisionnement pour le défi à relever.9 Il existe un certain nombre de scénarios possibles, et chacun comporte ses propres coûts :
S’il existe un logiciel propriétaire et un logiciel libre qui répondent à tous les besoins des utilisateurs, vous devrez choisir entre l’acquisition du logiciel propriétaire existant ou la recherche d’une solution logicielle libre.
S’il existe un logiciel libre qui répond à tous les besoins des utilisateurs, une équipe interne ou un sous-traitant peut déployer une instance personnalisée qui s’intègre à votre environnement technique existant.
Si un logiciel libre existant doit être modifié pour répondre à tous les besoins des utilisateurs, une équipe interne ou un sous-traitant peut développer les fonctionnalités personnalisées dont vous avez besoin.
Si aucun logiciel existant ne répond aux besoins des utilisateurs, une équipe interne ou un entrepreneur embauché à contrat peut développer un logiciel à partir de rien et le diffuser sous une licence libre.
Analyse du coût réel du cycle de vie et de la valeur de la propriété #
Afin d’évaluer correctement les options d’approvisionnement, vous devez effectuer une analyse du coût réel du cycle de vie et de la valeur de la propriété, qui comprend les coûts et avantages directs et indirects, immédiats et à long terme.10 Une telle analyse devrait, plus précisément, inclure :
Le coût direct de la solution (licence annuelle ou propriété).
La capacité technique du personnel pour ce qui est de développer, d’adapter, d’intégrer et/ou de mettre à niveau les logiciels.11
Les coûts d’acquisition, y compris tous les coûts de la procédure d’achat et de la gestion du changement (le cas échéant).
Les coûts d’exploitation, y compris les frais annuels, le coût par utilisateur et l’assurance.
Le coût de l’intégration à l’infrastructure numérique existante de la ville (en termes de temps du personnel et de coûts des logiciels ou des bases de données).
Les coûts des versions ultérieures et de l’élimination, ce qui pourrait inclure le retrait de l’installation, les coûts de nettoyage, la diffusion du code sous une licence libre et les frais juridiques connexes.
Le coût de la personnalisation future du logiciel (bons de travail) si les besoins, les processus ou l’infrastructure numérique sous-jacente de la ville changent à l’avenir.
La valeur du contrôle des coûts, des modèles de revenus, des mises à jour et des ensembles de fonctionnalités supplémentaires (notamment pour la conformité aux normes de rendement des logiciels gouvernementaux en évolution).
La valeur du renforcement des capacités et de l’habilitation du personnel.
L’intérêt de publier le code sous une licence libre et de s’allier à une collectivité de pairs.
Évaluation des options #
Lors de l’évaluation d’un logiciel propriétaire existant, adoptez une approche critique et prudente quant aux problèmes potentiels de contrats en aval. Ces problèmes peuvent découler du modèle économique du fournisseur, de son approche de la propriété ou de la monétisation, ou encore du rendement du logiciel et des mises à jour des fonctionnalités. Cette évaluation devrait influencer votre choix de stratégie.
Propriété : Quelles sont les conditions exactes d’octroi de la licence? Le logiciel dépend‑il d’autres systèmes propriétaires (comme les bases de données) pour lesquels il y a un coût?
Sécurité : Y a-t-il des vulnérabilités connues? Quelle partie est responsable de la correction des vulnérabilités?
Gouvernance des données : En quoi consistent les données recueillies? Qui en est le propriétaire? Où sont-elles stockées? Qui y a accès? Comment peuvent-elles être utilisées?
Interopérabilité : Quelle est sa compatibilité avec l’infrastructure technique existante?
Modèle de revenus : Comment le fournisseur génère-t-il ses revenus (par exemple, frais par utilisateur, frais d’utilisation, fonctions supplémentaires, etc.)
Mise à niveau : À quelle fréquence le logiciel est-il mis à jour? Quel type de soutien continu est offert aux utilisateurs?
Matthew Claudel et Bianca Wylie, Technology Procurement : Shaping Future Public Value, Community Solutions Network Research Brief (Nord Ouvert, 2021). ↩︎
Josh Lowe, Canadian Budget Leads with Digital Tax and IT Investments, Global Government Forum, le 20 avril 2021 ↩︎
Banque de développement du Canada, Perspectives du secteur des technologies : Comment les changements dans l’économie affectent le secteur technologique canadien, janvier 2021. ↩︎
Luke DeCoste, Outdated Procurement Rules Hindering Digital Government Policy Options, le 12 février 2019. ↩︎
Kaye Sklar, A Procurement Path to Equity : Strategies for Government and the Business Ecosystem (Open Contracting Partnership et Aspen Institute Center for Urban Innovation, 2020). ↩︎
Jerrod Larson, Jen Hocko et Richard Bye, User-Centered Procurement : Evaluating the Usability of Off-the Shelf Software User Experience Magazine, UX Development, mars 2010. ↩︎
LaBrie, Suzanne et Ferron, Pierre-Antoine, Qu’est-ce que l’approvisionnement ouvert?, Réseau de solutions pour les communautés, Nord Ouvert. ↩︎
Bien qu’il ne couvre qu’une poignée de grandes villes, Open Source Cities vous donne une idée de la variété des intervenants et des organisations impliqués dans les écosystèmes locaux de logiciels libres. Une fois que vous aurez commencé à chercher, vous serez peut-être surpris d’apprendre combien d’activités de logiciels libres se déroulent déjà dans votre région. ↩︎
Sascha Haselmayer, Unit 3 : Choosing Your Procurement Path, Citymart Procurement Institute (blog), le 26 mars 2020. ↩︎
Ben Winter, 4 Key Steps to Performing an Effective Spend Analysis, Fairmarkit (blog), le 25 août 2021; Doug Greer et Jen Scarlato, Best Practices for TCO Costing. ↩︎
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Guide pour l’utilisation de logiciels libres – Évaluer les options de soutien, le 28 juillet 2020. ↩︎